La réunion inaugurait les Ateliers visant une réflexion étayée par un conférencier spécialiste d’un sujet, et débouchant sur une réflexion en commun sur un thème précis.
Après avoir expliqué le fonctionnement et le sens de la soirée, Anthony Auger, a présenté Jacques Favier, qui travaille depuis plus de 10 ans sur l’histoire du Vexin, et qui devait introduire la séance en répondant à la question :
Gisors : au carrefour ou à la marge ?
20 siècles d’histoire de Gisors en 30 minutes
Jacques Favier, s’est rapidement présenté avant de balayer 20 siècles en 30 minutes pour tenter de cerner la nature de la « frontalière », historique bien plus que naturelle, sur laquelle est bâtie Gisors, forteresse construite à partir de la fin du 11ème siècle pour défendre une ligne de front bien plus mouvante que ce que prétend le mythe du « partage de 911 ». Si le Vexin, entité géographique pour les romains, est resté uni durant tout l’Ancien Régime pour l’Église (Pontoise même dépendant longtemps de Rouen), Jacques Favier, parcourant les méandres de la longue construction de l’État royal, a montré que le « Grand Baillage de Gisors » était surtout une circonscription juridique. Et que, bien avant la Révolution, les circonscriptions fiscales étaient devenues centrales dans l’organisation étatique. La création d’une telle circonscription au bénéfice de Pontoise, en 1691, a entrainé un nouveau périmètre (plus « normand ») pour Gisors. Depuis lors, la carte des départements en 1789, puis les « régionalisations » successives, ont accentué une « provincialisation » de Gisors, toujours plus éloignée de Paris administrativement, alors même que l’influence parisienne, déjà forte du temps où de grands serviteurs du roi possèdaient les seigneuries de la région, n’a fait que s’accentuer avec la révolution industrielle, le capitalisme libéré par la révolution française, la route et le train.
La crainte de devenir une « cité dortoir » est une question mal posée
Le train, dans lequel Jacques Favier voit « Paris, qui bat la mesure » matérialise un lien fort ancien et toujours problématique. La crainte de devenir une « cité dortoir » lui apparait une question mal posée. Les vraies questions ce sont la nature de l’emploi et la nature de la liaison, sa rapidité, sa qualité. Appuyant l’ambition politique de « manger local », il suggère que le Vexin, jadis « pays de Cocagne » ne peut abandonner l’idée plus large de labelliser et exporter (via des AMAP, des boutiques partenaires etc) sa production. Et que la qualité des échanges humains avec Paris doit être recherchée au lieu d’une dénonciation stérile.
Enrichi de quelques anecdotes et situé au-delà des simples slogans ou des fantasmes que l’on peut lire à l’approche des élections, cet exposé fut l’occasion de proposer une vraie réflexion sur de nombreux sujets. Il a été applaudi et apprécié d’un public nombreux, mêlant des Gisorsiens de longue date et d’autres plus récents. Sans doute certains attendaient-ils un développement plus approfondi sur l’histoire contemporaine. Jacques Favier a admis qu’il avait effectivement évité une période mieux connue de tous et par ailleurs objets de débats. Cela a donc été largement abordé lors des nombreux échanges, toujours chaleureux, avec les participants. Plusieurs questions ont eu trait aux années 70, âge d’or pour certains, bien moins pour d’autres, et au train dont la qualité apparaît à tous comme un véritable enjeu pour réduire notre « distance » à Paris. Le débat, très riche, a duré plus d’une heure.
Un #VexinEnCommun intégrant certaines communes de l’Oise pour respecter nos habitudes de vie est un vrai sujet de réflexion.
Anthony Auger a plusieurs fois resitué certains problèmes dans la problématique géographique, ne serait-ce qu’en rappelant que les élections dites « municipales » sont aussi, indirectement « communautaires » et qu’au-delà même du tracé des communautés de communes actuelles, les relations avec tout notre « bassin de vie » ne pouvaient être abandonnées à des technocrates agissant dans une certaine opacité. Un #VexinEnCommun intégrant certaines communes de l’Oise pour respecter nos habitudes de vie est un vrai sujet de réflexion. Enfin la qualité de vie à Gisors ne peut être pensée de façon seulement rurale ou touristique : elle implique une proximité concrète de services publics garantissant un accès à tous, et une maîtrise par la Commune des enjeux de l’âge numérique, pour qu’une marge supplémentaire ne se crée pas.
Les débats se sont poursuivis autour d’un verre de cidre. Normand, bien sûr.